The Mothers of Invention - Uncle Meat

By Philippe Paringaux

Rock & Folk, August 1969


THE MOTHERS OF INVENTION
UNCLE MEAT. I) Uncle meat. The voice of Cheese. Nine types of industrial pollution. Zolar Czakl. Dog Breath, in the year of the plague. The legend of the golden arches. Louie Louie. The dog breath variations. Sleeping in a jar. Our bizarre relationship. The uncle meat variations. Electric aunt Jimena. Prelude to King-Kong. God bless America. A pound for a brown on the bus. lan Underwood whips it out. II) Mr Green genes. We can shoot you. « If we'd been living in California ». The air. Project X. Cruising for burgers. King Kong itself. King Kong. BIZARRE (dist. VOGUE) CRV 2009/2 x 30 cm

Si nous n'avons pas parlé de ce disque dans Rock & Folk le mois dernier, c'est qu'il s'y trouvait déjà un long article sur les Mothers. Mais un double-album de ce groupe et de cette qualité là, cela mérite bien que l'on s'y arrête un peu. C'est la musique d'un film, paraît-il, un film que les Mothers ont commencé et qu'ils n'ont pas encore terminé, faute d'argent. Peu importe (encore que cela doive être quelque chose, ce film), il nous reste un disque exceptionnel, bien plus satisfaisant à mon avis (mais ce n'est qu'un avis, la critique est subjective, Djentillon... ) que le récent concert des Mothers à Paris.

Plus satisfaisant parce que tout y est parfait, parce que les Mamans de Zappa vont beaucoup plus loin sur ces deux ronds de cire qu'elles n'avaient été sur la scène de l'Olympia. Plus loin dans leurs recherches sonores qui confinent parfois à l'absurde et à l'acte gratuit, plus loin dans l'humour (les gens qui ont vraiment de l'humour sont ceux qui savent rire d'eux-mêmes, c'est le cas des Mothers), plus loin dans le swing (ainsi la formidable face consacrée à King Kong, tout au long de laquelle Preston et Zappa font, sur accompagnement de fer, une éblouissante démonstration), plus loin dans l'extraordinaire, dans la folie, dans le génie. Recherches sonores grinçantes sur rythmes de rock, folles envolées ou climats longuement explorés, disséqués, fouillés, rifts inattendus et soudains changements de tempo, passages parlés (les Mothers demandent de l'argent à Zappa, Susy Creamcheese élucubre, Ian Underwood raconte comment il a été engagé -- « Zappa m'a dit de lui montrer comment je jouais, alors j'ai joué », et suit un formidale solo d'alto électrique qui est l'un des plus beaux moments du disque), tout cela fait partie de l'art des Mothers, mais n'avait sans doute jamais été aussi bien exprimé que dans ces deux disques.

Grâce à la qualité supérieure des musiciens, grâce à Zappa (« Nine types of industrial pollution» est un long et remarquable solo de guitare, blues disséqué, torturé sur fond sonore qui, d'après le titre du morceau, doit évoquer une usine en plein travail), grâce à cet esprit que le leader et ses hommes ont en commun, raillerie sans amertume, critique sans haine, destruction sans violence (au contraire de celle du MC5, des Doors ou du Chicago Transit Authority, par exemple, la musique des Mothers semble complètement dégagée de toute préoccupation immédiatement politique, et n'attaque la société qu'en ridiculisant sans trève son « patrimoine culturel» dont le rock fait d'ailleurs partie, à entendre de quelle façon les Mothers traitent « Louie Louie » !), cette œuvre (le mot ne plairait pas aux Mothers) est certainement l'une des plus fortes, des plus belles et des plus significatives que nous ait données la popmusic à ce jour.

PHILIPPE PARINGAUX