Frank Zappa "Joe's Garage (Act I)"
By Bruno Blum
FRANK ZAPPA
« Joe's Garage (Act I) »
(CBS 86101)
Zappa m'a toujours énervé. J'ai toujours espéré qu'un jour il admette qu'il se prend au sérieux, et que par cet aveu il se laisse sortir un disque sérieux, une œuvre qui tienne debout, un truc HOMOGENE, quel que soit son trip du moment.
On y a déjà eu droit avec « Hot Rats », disque purement musical, avec « 200 Motels», disque de délire pur, par ailleurs quasi-inécoutable, ou « Roxy & Elsewhere », album live de Zappa parfait, passant en revue ses mille et une possibilités sous leur meilleur jour. Zappa a pondu, d'autre part, quelques disques que je qualifierai de « Zappa Moderne », qui arrivent à faire une synthèse habile entre des délires du style « We're Only in it For The Money » et des passages instrumentaux comme lui seul sait les faire : Je veux parler d'albums comme « Apostrophe », « Over-Nite Sensation» et même le récent « Zoot Allures ».
Eh bien c'est dans cette veine que se trouve ce « Joe's Garage ». Premire constatation, le disque se laisse écouter sans trop de heurts, les collages entre les différents morceaux sont bien faits, et tous les sujets abordés s'enchainent sans trop de grincements, chic, on y retrouve justement cette homogénéité, si importante.
Les passages chiants de rigueur (« Lucille Has Messed My Mind Up ») (7 minutes 17) où un imbécile chante des trucs idiots sur une musique ridicule pour montrer à quel point une caricature de musique ridicule peut être aussi chiante que la musique ridicule elle - même, sont en nette minorité. Nous reste de sublimes passages parlés sur lesquels s'enchainent de tout aussi sublimes solos, écoutez « Wet T-Shirt Nite », on se croirait sur le « Be-Bop Tango » du live « Roxy », pas mal de musique, et le concept, assez marrant, du disque.
Zappa explique qu'il suffirait que le président des Etats-Unis décide que la musique est responsable des problèmes du pays (le pétrole), à cause des disques en vinyl, de l'énergie électrique utilisée par tous les amplis, etc, pour que la population gobe ça et abolisse la musique ( en résumé). « Joe's Garage » raconte comment le gouvernement s'en sort en ayant créé cette situation.
Disons qu'une part un peu trop grande est laissée à la justification de ce concept, et qu'en moyenne ça se fait au détriment du pourcentage de bonne musique. Résultat : ce disque est très bon, mais il se place dans la catégorie « juste - un- peu - moins - bien - qu'- « Apostrophe » mais - sacrément- mieux - que -tous - ceuxinécoutables », ce qui est sacrément positif, dites-donc.
Bruno BLUM