Frank Zappa & The Mothers Of Invention "Uncle Meat"
By Philippe Thieyre
Frank Zappa & The Mothers Of Invention
"Uncle Meat"
Rykodisc / Harmonia Mundi
Ce double album, paru en avril 1969, est en fait la BO d'un film qui finalement ne sera terminé qu'en 1989 pour une sortie en vidéo. A l'origine, un triple album était prévu et il aurait dû s'intituler "No Commercial Potential", saut que des problèmes financiers en ont décidé autrement. "Uncle Meat" se situe à une époque charnière : Frank Zappa a quitté Verve pour créer son propre label, Bizarre, distribué par Reprise. Musicalement il délaisse un peu l'aspect le plus théâtral, le plus satirique de son répertoire au profit d'une recherche instrumentale et, enfin, ce sera le dernier disque de Frank Zappa avec la première mouture des Mothers Of Invention.
Bien qu'à l'époque elle rencontra un surprenant succès commercial, c'est une oeuvre complexe, d'un abord pas si facile, qui ne compte pas moins de 28 plages de durées et de styles fort divers. Zappa y dirige ses Mothers comme un véritable chef d'orchestre. Il compose, produit, enregistre et s'amuse sérieusement avec toutes les possibilités offertes par le studio, mixant et remixant, superposant les prises et les instruments, entrecoupant l'ensemble d'extraits de concerts ou de dialogues.
Le résultat final est tout à fait excitant, un incroyable maelstrom de thèmes musicaux, un bouillonnement d'idées en tous sens. Certains passages tels que "Nine Types Of Industrial Pollution", "Dog Breath ln The Year Of The Plague", The Uncle Meat Variations", le sexy "Electric Aunt Jemina", "Ian Underwood Whips It Out", ce "Mr Green Genes" (dont on retrouvera le fils sur "Hot Rats") et "Cruising For Burgers", faisant suite à la pièce de musique contemporaine "Projet X", s'imposent d'emblée et prendront une place de choix dons l'univers zappaien. "Uncle Meat" se termine en apothéose avec les six parties de "King Kong", instrumentaux flamboyants qui seront repris en 1970 por le violoniste Jean-Luc Ponty sous lo direction du compositeur lui-même.
Un seul regret à l'écoute de cette œuvre radicale et immortelle : les exceptionnels talents du guitariste Zappa ne s'expriment ici que de manière (très) parcimonieuse, mais on pourra se rattraper sur les disques suivants, de "Hot Rats" à "Chunga's Revenge". La version CD, remasterisée et supervisée par le maître lui-même, possède un son parfait et quelques bonus, dont les dispensables dialogues du film et l'amusant "Tengo No Minchia Tanta".
Philippe Thieyre