Frank Zappa

By Jean-Noël Coghe

Extra, February 1971


« Je suis le Monsieur Loyal d'un petit cirque électronique et musical »

 

Jean-Noël Coghe : Selon vous, Frank Zappa, quelle est la différence entre la pop-music d'aujourd'hui et celle d'hier ?

Frank Zappa : Il y a cinq ans, aux États-Unis, on imitait les Beatles et autres groupes britanniques. Aujourd'hui les groupes se tournent vers un mélange de country and western et de heavy music.

J.-N.C: Les Mothers ont-ils éclaté à cause de cette évolution ?

F.Z: Regardez les journaux d'il y a un an, j'y ai répondu ...

J.-N.C. : Vous avez déclaré au public d'Appledoorn (Festival en Hollande) que c'était par manque d'argent ...

F.Z. : C'est faux. Je n'ai jamais dit cela à Appledoorn (!!!)

J.-N.C. : Pourquoi votre nouveau groupe comprend-il un batteur anglais ?

F.Z. : Parce qu'il est le meilleur batteur de rock'n'roll.

J.-N.C. : Eprouvez-vous quelques regrets quand vous pensez aux années écoulées ?

F.Z. : Non.

J.-N.C. : Vous considérez-vous comme un guitariste soliste ou un guitariste rythmique ?

F.Z. : Plutôt comme un guitariste rythmique.

J.-N.C. : Que représente pour vous l'expérience Jean-Luc Ponty?

F.Z. : C'est le premier musicien français avec lequel j'ai travaillé, le second violoniste et le troisième jazzman. Je suppose que tout cela signifie quelque chose dans mon évolution musicale.

J.-N.C. : Définissez-vous musicalement ...

F.Z. : Je suis le « Monsieur Loyal » d'un petit cirque électronique et musical.

J.-N.C: Où trouvez-vous l'inspiration pour vos chansons ?

F.Z. : Au travers des gens qui m'interviewent...

J.-N.C. : Ça vous ennuie les interviews ?

F.Z. : Non, bien sûr que non, mais n'oubliez pas que l'on a souvent affaire à des emmerdeurs !

J.-N.C. : Les interviews correspondent pourtant à une nécessité...

F.Z. : Je ne parle pas de ce que vous faites pour gagner votre vie, mais de ceux qui transmettent imparfaitement nos réponses. Ce sont eux qui, en dernier ressort, décident du sens à donner à notre conversation. Ils peuvent écrire ce qu'ils veulent. Si vous n'êtes pas sérieux dans votre travail, vous déformez nos dires. A ce stade vous faites du tort au public.

J.-N.C: Vous considérez-vous comme un leader ?

F.Z. : Non, je ne suis qu'un musicien.

J.-N.C. : Parlez-nous de votre dernier LP « Chunga's Revenge ».

F.Z. : C'est l'histoire d'un musicien.

J.-N.C. : Le public français a d'abord fait votre connaissance par l'intermédiaire d'un poster, où l'on vous voyait nu, assis sur la lunette d'un w.c. ...

F.Z. : Je n'ai jamais mosé pour un tel poster. J'ai réalisé une série de photos. Si l'on a fait un poster de celle-là, je n'y suis pour rien.

J.-N.C. : Selon vous, quelle est actuellement l'ambition de la Pop Music ?

F.Z. : Le plus important pour la Pop Music, c'est de faire de l'argent.

J.-N.C. : Cela est-il vrai pour vous ?

F.Z. : Pas nécessairement.

J.-N.C. : Parlez-nous d'Amougies ...

F.Z. : Ce fut horrible. J'étais là pour présenter les groupes. Mais je ne parlais ni le français ni le flamand. Comme ilavaient payé mon voyage et mon hôtel, j'ai fait du mieux que j'ai pu.

J.-N.C. : Vous avez surtout effectué quelques « boeufs » avec le Pink Floyd, entre autres ...

F.Z. : C'était OK, mais je n'en suis pas tellement fier.

J.-N.C. : Et la jam session avec le Ten Years After au Théâtre 140 ?

F.Z. : C'était amusant.

J.-N.C. : Cela vous ennuie-t-il de faire la même chose chaque soir ?

F.Z. : Non, à part les interviews ...