Viva Zappa

By Bruno Ducourant

Extra, January 1972


Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé est absolument volontaire.

Préface

Frank Zappa est fort peu connu en France. Le nom de celui qui est considéré comme le grand compositeur américain ne figure pas au Nouveau Petit Larousse illustré.

Pour se documenter sur lui, il faut avoir recours à des sôurces étrangères, particulièrement à l'« Encyclopédie Bizarre ». Une heureuse exception, cependant : les pages qu'Adam X lui a consacrées dans son fascicule gracieusement offert à la presse le mois dernier, « Biographie de Frank Zappa ».

« Je suis né à Baltimore (Maryland), le 21 décembre 1940. J'ai deux frères et une seur. Mon père, qui est maintenant retraité. A été : professeur d'histoire, météorologiste, ouvrier métallurgiste, barbier, professeur de mathématiques (ces indications ne se suivent pas nécessairement dans un ordre chronologique). Il est aussi l'auteur d'un livre sur les jeux de hasard (Chances & How To Take Them). Ma mère a surtout été une mère. Jadis, elle fut bibliothécaire.

Je suis l'ainé de la famille. Bob, qui m'a succédé, a passé trois ans dans les « Marines » et pas mal de temps au lycée à étudier, entre autres choses, la sociologie. Le cadet, Carl, sert des milkshakes chez « McDonald» et lave la vaisselle chez «Bob's Big Boy» (vallée de San Fernando), Ma sœur est mariée à un jeune homme très porté sur les voitures. J'ai une formation secondaire et ai passé un semestre à l'université de Chaffey (Californie) J'ai obtenu un diplôme de l'Antelope Valley High School de Lancaster (Californie), le vendredi 13 juin 1958 (à vingt points en dessous de la moyenne : ils cherchaient à se débarrasser de moi).

Mon éducation musicale se limite à un cours d'harmonie auquel j'eus la permission d'assisterm lors de ma dernière année au lycée. J'ai suivi, en outre, les cours de Miss Holly à l'université de Chaffey et, en tant qu'auditeur clandestin, ceux de M. Kohn à l'université de Pomona. J'ai pratiqué les percussions dans des ensembles scolaires que dirigeaient MM. Miller, McKillop, Minor, Kavellman et Ballard.

Le reste de ma formation provient de l'audition de disques et de la fréquentation de petits orchestres jouant dans des boites et des bars de province.

J'ai aussi passé pas mal de temps dans les bibliothèques. »

SCHEMA DU FILM

du musicien (compositeur et interprète
de la figure
du philosophe du psychologue
du metteur en scène l'action
la technique
et intérêt selon Zappa lui-même.

Enfin, évoquer ou le laisser évoquer ses copains (ou ses groupies)
dans le film
et au salon

Dans la première scène, on verra Frank Zappa guitare en main, wha-wha au pied, assouvir et conserver, diriger et laisser aller ses souhaits, ses souvenirs, ses mamans et son doigté. Couleur en sol. En surimpression, parallèle au générique : sa discographie ...

1. Freak out.
2. Absolutly free.
3. Lumpy gravy.
4. We're only in it for the money.
5. Cruising with ruben & the jets.
6. Uncle Meat.
7. Hot rats.
8. Burnt weeny sandwich.
9. Mothermania.
10. Weasels ripped my flesh.
11. Chunga's revence.
12: Mothers at the fillmore june 71.

Puis la musique se fera plus forte, plus haute. Couleur en-do-crine.

Frank : « The band plays on the most terrible shit you've ever known ». Gros plan sur sa moustache, gros plan sur sa barbiche.

Changement de temps. Couleur en Si. Auto-interview :

– Quelle est la particularité des Mothers?

Frank : « L'aspect le plus saillant du travail des Mothers réside dans l'uniformisatior conceptuelle de la macrostructure de production du groupe. Nous exerçons, depuis nos débuts, un contrôle rigoureux des éléments thématiques et structurels de chaque album. Nous contrôlons aussi le contenu de chaque concert ou de chaque interview avec la même rigueur.» Essayez de vous représenter une tête d'épingle sur laquelle se trouve une illustration, extrêmement détaillée, pouvant être une pensée, un sentiment, un symbole plus ou moins clair, une illustration du ciel ou quelque chose avec des oiseaux... bref, cette illustration se trouve sur cette tête d'épingle, souvenez-vous-en, et elle est très détaillée. Et maintenant, supposez que l'épingle soit en réalité une note de musique à laquelle corresponde une action physique précise, par exemple un froncement tellement discret du sourcil que personne ne le remarquerait et qui, cependant, donnerait un relief particulier à cette note. Bon, supposez que ces épingles (dont la partie pointue aurait été sciée pour gagner un peu de place) soient en nombre suffisant pour remplir, sur une hauteur de 30 m, une surface comparable à celle du continent nord-américain et de la majeure partie de l'Europe centrale. Et maintenant, supposez que cette surface ne soit plus un espace géométrique. Tâchez de vous la représenter sous la forme d'un phénomène temporel. Imaginez une succession de décades (le nombre exact vous sera révélé ultérieurement). (Ici, un temps d'arrêt) : savez-vous comment tourne la terre ? ... Imaginez ces décades, couvertes d'un tas de trucs, soumises à une modification conceptuelle complète et durable. Les maisons. les bureaux... Des gens y vivent, certains y font même des films. Supposez que vous y viviez, sans même vous en rendre compte. Que vous soyez ou non capables de l'imaginer, voilà ce que nous faisons. »

– Travaillez-vous en fonction de plans précis ?

Frank : « Pas exactement. Ce que j'essaie de vous décrire en ce moment, c'est le genre d'attention que nous accordons aux mots, à la mélodie, aux improvisations, ainsi qu'à l'intégration finale de chacun de ces éléments dans nos albums. Le choix du matériel enregistré, diffusé ou exécuté en concert, la continuité ou les contrastes observables d'un album à l'autre... tout cela fait partie de la structure de l'ensemble de notre travail et devra aboutir à une totalité. Les petits détails ne sont pas seulement une fraction de l'ensemble, ils lui donnent une forme.

– Pourquoi ne pas vous contenter de jouer du Rock and Roll comme tout le monde ? Laissez tomber ce jargon !

Frank : « Il nous arrive de jouer du Rock comme tout le monde (ou presque). Notre style est essentiellement rock, mais il se peut que nous nous aventurions dans des domaines un peu étranges.

– Vous donnez dans le « Rock classique » ... hautement intellectuel, avec des cordes et des rythmiques bidon ...

Frank : « Pour envisager nos rapports avec la musique classique ou « sérieuse », il faut partir du rock, car nous sommes avant tout des musiciens issus du Rock. Il faut prendre aussi en considération certains éléments d'humour qui vous échappent peut-être.

– Vous n'avez jamais été capables de jouer du bon Rock. Vous n'êtes pas assez sérieux pour cela ... Vous ne pouvez même pas jouer de la bonne musique classique. Pourquoi n'avez-vous pas essayé de trouver un autre boulot ?

Frank : « Je voudrais attirer votre attention sur un des principes philosophiques de notre groupe : Il est toujours possible, en dépit de tout ce qui tendrait à prouver le contraire, d'être sérieux tout en faisant preuve d'humour, précepte que j'énonce à l'intention de ceux qui souffrent de sentiments d'ambivalence, lorsque l'occasion est offerte de rire d'euxmêmes. Et, pour terminer, je vous rappellerai cet autre précepte qui est le fondement même de notre activité : « il y a toujours quelqu'un, parmi ce public, qui comprend ce que nous faisons... et en ce moment, il est en train de « décoller » comme jamais il ne s'en serait cru capable.

La musique s'arrête. Passage au noir et blanc. Frank sort, Ringo porte ses valises. Les deux hommes échangent quelques mots sur l'incendie du casino de Montreux. (Tourner les extérieurs à Orly). Un photographe, le seul, papillonne autour de Zappa et des groupies. (Voit s'il sera possible de citer quelque part « you've got nothing but groupies and promoters to love you ») et si cela n'a pas été fait ailleurs.

La scène suivante se déroule dans un hôtel, appelons-le « L'hôtel». Cadre luxueux, clients choisis. La télévision est présente. (Insister sur le visage grave des opérateurs).

Nuit. Gros plans du photographe - papillon endormi dans le hall de l'hôtel. Auto-Interview radio :

– Comment définissez-vous « 200 Motels »?

Frank : Pour ma part, je considère « 200 Motels » comme un documentaire surréaliste. Il s'agit à la fois d'un reportage sur des événements réels qui se sont produits dans la vie de notre groupe et d'une fiction échaffaudée à partir de ces événements. Le film contient aussi les résidus conceptuels de l'événement réel extrapolé. D'une certaine manière, le contenu en est autobiographique.

– Comment en êtes-vous venu à faire ce film ?

Frank : Je m'intéresse aux possibilités des différents modes d'expression depuis 1958. En temps que compositeur, je considère que la combinaison d'éléments visuels sur le modèle de la composition musicale offre des possibilités passionnantes pour la recherche.

– Racontez-moi l'histoire.

Frank : « 200 Motels » est un documentaire surréaliste, mais on pourrait aussi comparer a forme à celle d'un morceau de musique orchestrale avec des leitmotive, des harmoniques, des répétitions de thèmes, des cadences, des contrepoints ...

– Vraiment ? Et bien, sachez que je hais la musique orchestrale, que je ne comprends rien à ce que vous me dites et que je n'aime que le rock. Est-ce un film sur le rock, au moins, ou bien ...

Frank : « C'est un film sur le « Rock », mais c'est plus que cela, dans la mesure où les Mothers se situent à l'extrême limite du Rock. « 200 Motels » exprime la vision particulière que notre groupe a du phénomène rock et de tout ce qui l'entoure. C'est pourquoi il traite aussi des « groupies », de notre vie en temps que collectivité, de nos rapports avec le public, de la nourriture macrobiotique, etc. La façon dont il aborde ces phénomènes n'est certainement pas celle que vous attendez (ni probablement celle que vous approuvez). Les Mothers n'ont que peu de points communs avec les groupes pop que vous connaissez. Même un documentaire du type courant sur notre activité serait peu banal. A fortiori, un documentaire surréaliste s'inspirant de cette activité, en la transposant sur d'autres plans, peut sembler, à première vue, un peu bizarre.

– Bon ... Si vous ne voulez pas me dire à quoi ressemble votre film, dites -moi au moins ce qui s'y passe ... Dites-moi quelque chose, n'importe quoi ... Par pitié ... ARRRRGHHH!

Frank : « Nous n'avons pas essayé de mettre en évidence une chronologie dans ce film. Il s'agissait de restituer le genre de vie que nous menons lors de nos tournées. Pendant ces périodes, le temps est entièrement défini à partir des exigences de l'horaire, de la durée des déplacements, etc. On se réveille à telle heure, on voyage en avion ou en bus, on se prépare et ainsi de suite. L'espace devient entièrement abstrait. Tous les motels se ressemblent : les avions et les bus ont tous la même allure. Les salles peuvent être différentes les unes des autres, mais au bout de quelques années, elles se confondent toutes et les divers publics finissent, eux aussi, par ne plus faire qu'un.

La vie du groupe ressemble à la vie de campagne. Chaque concert devient une bataille. Nous vivons en vase clos sans savoir si nous sommes à Venise ou à Los Angeles, un peu comme si nous portions tout du long avec nous un fragment de notre vie Californienne, une bulle dans laquelle se produiraient des choses étranges... C'est de quatre années de cette expérience que sont nés les « 200 Motels ».

– Qu'escomptez-vous du film?

Frank : « Pour le public qui connait et aime les Mothers, « 200 Motels » est l'aboutissement logique de nos concerts et de nos enregistrements. Pour ceux qui ne nous connaissent pas, mais qui aiment bien, de temps à autre, se confronter à de nouvelles expériences, le film sera une introduction sans doute surprenante. Quant à ceux qui nous détestent, ils recevront la confirmation de leurs soupçons. Solarisations. Mirages. Zébrures avec, en fond sonore, « Penis dimension » ... « Do you worry? / Do you worry a lot? / Do you worry? / Do you worry and moan. / That the size of your cock is not monstruous enough? / lt's your penis dimension! / Penis dimension! ... / ...

ENTRACTE

Seconde partie, à Enghien. Tout le gratin du Chaud Biz est réuni. Voix « off » : « Tiens, lui, c'est Paulo, et à côté c'est Philou. Chabi est là aussi, dis donc. Qu'est-ce que c'est bat tout de même, j'ai bien fait de mettre mes nouveaux mocassins. Tu viens à la bouffe, après la projection du film de Zap ? Attends, je vais dire bonjour aux Martin ; verront qu'on les connaît comme ça. » Passer des extraits du film de Zap et enchainer aussitôt sur la conférence de presse au Blow-up. Couvrir les voix des rois de la fête par des « miam-miam » et des « scrunch-scrunch » des invités et éviter de passer en fond sonore le moindre disque d'une maison concurrente à celle qui distribue la bande originale (! ! !) du film.

En surimpression : la distribution de « 200 Motels » ...

The Mothers (The Mothers), Larry, le nain (Ringo Star), Rance Muhammitz (Theodore Bikel), La nonne (Keith Moon), Burt, le cowboy solitaire (Jimmy Carl Black), Jeff (Martin Lickert), Les minettes (Janet Ferguson, Lucy Offerall), Eux-mêmes (Don Preston, Motorhead Sherwood), L'aspirateur industriel (Don Barber), La journaliste (Pamela Miller).