Frank Zappa "200 Motels"

By Paul Alessandrini

Rock & Folk, December, 1971


FRANK ZAPPA
200 MOTELS.

Sound track featuring The Mothers of Invention and the Royal Philarmonic Orchestra.
UNITED ARTISTS UAS 29.218/19/2 x 30 cm.

Avant que l'on puisse jouir de l'oeuvre cinématographique, voici l'oeuvre sonore. C'est une musique de film, ce n'est pas tout à fait un disque des Mothers. Ce double-album vient concrétiser un désir vieux de plusieurs années qui était constamment présent chez Zappa: faire jouer par un orchestre de cent musiciens une symphonie qui englobe la satire. traitée à la manière d'une comédie musicale.

Frank Zappa a pu mener à bien cette aventure musicale considérable qui demandait des moyens considérables; on découvre alors toute la richesse d'une imagination, la cohérence aussi entre les apports et les références musicales: blues, musique sérielle, comédie, théâtralisation, électro-acoustique, délire des textes. Tout n'est pas proposé ici de façon disparate. mais au contraire soigneusement mis en place: les ruptures de ton. de climats. les envolées lyriques, la mise en branle totale d'un grand orchestre auquel viennent s'ajouter les chœurs et les textes comiques, obscènes, chantés par Howard Kaylan, Mark Volman ou Frank Zappa.

Une grande fresque sonore à la dimension de l'Amérique, une œuvre parodique mais qui puise aux sources de la musique contemporaine, dans l'univers de Varese, Penderecki mais aussi dans le background musical du groupe. Rien à voir avec les « tartes à la crème» des rencontres avec grand orchestre de groupe tels que Deep Purple, on est ici en plein délire musical. dans la démesure totale, l'absurde, continuellement désorienté par la diversité, les contrastes des apports. En même temps que par la rigueur qui sous-tend l'ensemble, due à la vision globale par Zappa de l'oeuvre à construire.

C'est une sorte d'opéra monument absurde, gigantesque, loufoque, grandiose, sérieux dans sa folie, et drôle, plus moderne que la musique dite contemporaine parce que plus en prise directe sur l'ensemble des musiques qui cohabitent en Occident, beaucoup plus passionnante aussi par ses renversements continuels, les rencontres osés des lyrics et des textes. Sans oublier les monologues, les petites musiques, les bruits, les percussions, la guitare zappienne, les orgues de George Duke et de Ian Underwood, les acrobaties vocales des chanteurs Howard Kaylan et Mark Volman.

A l'écoute du disque, on ne peut imaginer qu'imparfaitement les images que toute cette musique sert. On n'en a pas moins l'ambition d'une telle œuvre musicale et cinématographique qui célèbre le monde des groupies, du pop star-system par rapport auquel Zappa garde une distance critique qu'il exprime ici par l'absurde. Zappa est vraiment le sociologue - psychanalyste -caricaturiste le plus lucidement drôle de la rock'n roll music. A l'intérieur de la pochette du disque un livret avec photos en couleur du film et un poster.

PAUL ALESSANDRINI.