Zappa était là

By Gilles Riberolles

Best, April 1979


Et voilà que les aventures extraordinaires de Frank Zappa continuent : l'homme n'arrête pour ainsi dire plus : à peine sa tournée de 78 terminée, il rentre aux États-Unis, se jette sur son film : « Baby Snakes », travaille sur sa symphonie pour 120 musiciens, enregistre un album « Sheik Yerbouti », lequel album est un double album « live », prend trois jours de congé, recrute de nouveaux musiciens, et prépare une nouvelle tournée mondiale. Ah ! mais le voilà qui arrive pour quinze : concerts en France, il va vite, sa queue de cheval bat au vent, il est immédiatement suivi par Tommy Mars et Peter Wolf aux claviers et Ed Mann aux percussions, ceux-là nous les connaissons, par contre, le batteur, le bassiste, et les trois guitaristes nous sont inconnus car Zappa a la fâcheuse habitude de changer de musiciens comme de chemises. Si le show est à la hauteur du dernier album, ça risque d'être bien, ça risque d'être piquant si l'on en croit les attaques proférées contre diverses catégories de personnages.

Question : Frank Zappa, qui va vous menacer le premier ? Le fan club de Peter Frampton, celui de Bob Dylan, une quelconque corporation juive, ou bien peut-être une ligue arabe ?

Réponse : Aucun. Ces gens-là n'ont pas que ça à faire.

Frank Zappa chante plus qu'il ne joue, faut dire, avec trois guitares derrière... ll joue des tas de morceaux inconnus peut-être qu'il est en train d'enregistrer son troisième album live consécutif...

Q. : Le prochain album sera live ?

R. : Oui, on a déjà commencé à l'enregistrer à Londres, New York et Paris.

Q. : Et un album studio alors ?

R. : J'aime les enregistrements « live », avec des over-dubs en studio.

Les vocaux sont parfait, tout est parfait, mais ça a l'air tellement difficile à jouer, que l'ambiance n'est pas a la décontraction, à se demander si Frank ne réserve pas son humour pour sa villa de Laurel Canyon pourtant le public a l'air de trouver ça merveilleux. Ça l'est d'ailleurs, surtout quand commence un solo de wha-wha. Tiens, la wha-wha ? a faisait longtemps.

Q, : Vous avez repris votre wha-wha ?

R. : Oui, c'est lorsqu'un journaliste anglais a écrit que je ne m'en servais plus que je l'ai reprise pour m'amuser ; je me suis pris un tel pied, que je l'ai gardée.

Q. : Vous ne jouez plus beaucoup de guitare... pourquoi trois guitaristes ?

R. : Je sais, c’est beaucoup trop. Les gens veulent être amusés, ils veulent des chansons, pas des solos interminables.

Il y a routes sortes de gens dans la salle : vieux, jeunes, jazz, rock, beaucoup de très jeunes... Zappa rassure. Il rassure les jeunes rebelles qui voient leur « contre-culture » exposée avec autant de perfection que celle de leurs parents.

Q. : Frank Zappa, dans votre public respectez-vous les crétins autant que les autres ?

R. : Quels autres ?

Pas très poli. Bizarre ce personnage en contraste permanent : humour-sérieux, perfection-agressivité.

Q. : Frank, pourquoi êtes-vous si bizarre ?

R. : C'est ma doctrine.

Mais voilà que s'enchaine (car tous les morceaux s'enchainent sans le moindre répit), « Dancing fool », la nouvelle parodie californienne : en l'occurrence parodie de la disco.

Q. : Pensez-vous que « Dancing fool » deviendra un hit dans les boites ?

R. : Non, car il n'est pas dansable, il y a trop de breaks.

Zappa est ce genre de personnage qui ne s'implique jamais ; sa seule implication étant la critique, la parodie. Et pourtant si ! Il s'implique quand il part dans un solo de guitare ; « Zappa est le seul guitariste avec Hendrix qui me donne des frissons II est venu me dire un type après le concert. C'est peut-être ça qui lui donne cette contenance, cette assurance qui fait que, quand on se trouve à côté du maitre, on se sent tout petit ; quel peut être son secret ?

Q. : FZ, dites-moi un secret...

R. : Ones you know don't tell, ones who tell don't know. (Ceux que tu connais n'en parle pas, cèux qui parlent ne savent pas.)

Alors, voilà pourquoi Zappa est un personnage si odieux parfois, parce qu'il sait, mais il ne veut pas dire ce qu'il sait. Pour quand se réserve-t-il ? Quand va-t-if être lui-même ? Les années 80?

Q. : Etes-vous prêt pour les années 80 ?

R. : Evidemment.

Mon esprit se trouble, je préfère encore être un fou dansant...

Q. : Frank Zappa, dites ce que vous voulez...

R. : (En français) Oooouuuuiiiii !